
Laissez-moi vous parler de Rose, l’héroïne d’Au nom des pères, femme intense et généreuse, déterminée et tenace.
Rose a 20 ans en 1942, elle vit en zone occupée quand elle décide de franchir clandestinement la ligne de démarcation pour aller retrouver son amant à Marseille. Elle est alors témoin d’un crime.
Mais Rose a un léger problème : elle ne reconnaît pas les visages.
« Un jour, ses parents l’ont emmenée voir un médecin des yeux, persuadés qu’elle était myope. Elle a passé des tests et le docteur les a rassurés : sa vue était parfaite. Ils n’ont pas été rassurés du tout. En chuchotant dans son oreille, ses parents ont demandé au médecin de sortir de la pièce et de revenir sans sa blouse. Il a hésité puis s’est prêté au jeu. Il était de retour cinq minutes plus tard en prétendant être le dentiste. Rose a ouvert la bouche. Le docteur est resté muet un long moment, a fini par lui demander si elle se moquait de lui et a conclu qu’elle était un cas très intéressant. Cela n’avait rien à voir avec les yeux, le problème venait de l’intérieur : Rose était dans l’incapacité d’associer une figure à une personne. Il avait déjà entendu parler de cette maladie mais n’avait jamais vu de spécimen vivant. La maladie n’avait pas encore été décrite, ni étudiée et la curiosité autour d’elle fut croissante. Personne ne pouvait imaginer la manière dont Rose percevait le monde. Elle était entourée d’inconnus, constamment obligée de deviner qui est qui. Reconnaître les visages ne peut s’apprendre, chacun est unique et il n’existe aucune technique alternative à cette fonction complexe du cerveau. Le malade est condamné à vivre dans un nouveau monde chaque jour. »
Aujourd’hui, ce trouble porte un nom médical : la prosopagnosie, qui est l’impossibilité d’identifier ou de mémoriser les visages humains.